sa langue fond
10 juin
Mathilde
Sa langue fond sur la mienne, les pluies fines nous traversent, elle me la roule contre l’agglomérat de roche et béton qui me sert de fondement et ça crisse et je fonds, sa langue fouille la mienne, sa langue trouble la mienne, la sienne la mienne la hyène je l’entends elle aboie elle a une voix de goéland, dans les cavités nos eaux – j’entends par là nos sueurs – se mélangent et il y a du sexe – j’entends par là nos humeurs se mélangent – il y a du sexe là-dedans, c’est par le sexe qu’elle fond lentement, goutte à goutte pour être un jour une stalactite à moi attachée, qui tombe qui tombe, et le monde fond, le monde mouille, et la pluie fond sur nous, sur elle qui n’est plus qu’un liquide jaune et tiède qui se répand, un peu sale sur le béton sale, sur elle qui s’insinue à son tour, mais y a-t-il un tour derrière tout ça, derrière le monde, dans mes anfractuosités, je vois bien que le processus est déjà depuis longtemps entamé, qu’elle a d’abord entrepris de s’enfoncer en moi comme un coin qui m’a fait craquer et maintenant autre ciel autre stratégie, ainsi fond fond fond Mathilde, trois petits tours et toujours là, toujours là mais autrement, les moules s’ouvrent et la boivent, oui, ma langue se trouble de la sienne.
Le Journal du brise-lames (photo : cécile viguier)
Avec une pensée pour philippe annocque et une autre pour fred griot...