les frontières, c'est pas fait pour les chiens
photo : ernest puerta
Nos territoires sont les Thélèmes, les anciennes frontières. Des hommes les traversent, d’autres s’y installent. Certains en partent, d’autres y reviennent. Nos territoires sont poreux, à l’extrême, ils sont refuge, ils sont halte et depuis très longtemps ils ne barrent plus la route à quiconque. Les premiers contrôles d’identité ont reflué plus au nord, à deux ou trois cent kilomètres d’après certains.
Les frontières, c’est pas fait pour les hommes qui se respectent.
Dans les barques, les kwassa-kwassa, dans les pirogues, sur les anciens voiliers de ceux qui atteignent les Thélèmes, des chiens aussi, souvent maigres, vaguement hargneux.
Les frontières, c’est pas fait pour les chiens non plus. Ni pour les oiseaux du ciel.
Les frontières, c’est pas fait pour le ciel. Et pourtant. Les Kaïques, nous le tenons des étourneaux, ont déployé autour d’eux des boucliers à ultrasons qui éloignent les oiseaux, tous les oiseaux, déclarés nuisibles. Des boitiers aux couleurs vives et gaies diffusent dans leurs rues les pépiements d’oiseaux au printemps.
Les frontières, c’est fait pour les renards : le paysage c’est du fromage qu’ils se partagent. Et chacun après bouffe sa part, dans son coin, frissonnant de plaisir et de peur, surveillant du coin de l’œil son sale, son perfide, son méchant, son terrifiant voisin.
Merci à Bertrand Redonnet dont le texte mis en ligne récemment ici m'a inspiré ce passage du Journal du brise-lames.